Mouvement ouvrier et cinéma d’horreur. Les raisons d’un désamour

Une fois une généalogie succincte faite, intéressons-nous aux liens entre cinéma d’horreur et mouvement ouvrier. Nous le verrons, les relations ne sont pas vraiment fraternelles.

Comme j’ai pu l’évoquer dans l’introduction, le mouvement ouvrier s’est inscrit dans la lignée des mouvements rationalistes issus des Lumières, et donc la lutte contre la superstition s’y trouve toujours en creux. La raison, celle qui est le point de départ de tout, c’est la faculté des êtres humains de pouvoir réfléchir sur leur monde en cherchant la vérité. Il ne s’agit donc plus ici de se baser sur la foi ou la croyance pour agir, mais sur la science, celle-ci permettant à terme de libérer les êtres humains de leur esclavage. Karl Marx se réclamait de Hegel, même si c’est pour replacer sa dialectique sur ses pieds, qui lui-même se réclamait des Lumières et de la Révolution française. Le philosophe allemand parlait d’ailleurs à propos de son socialisme de socialisme scientifique, car il restait encore beaucoup d’aspect utopique dans la première pensée socialiste (pour résumer, on entend par là des pensées qui souhaitent un monde idéal sans regarder comment le créer dans la réalité). Il décida de faire l’analyse des classes sociales et du fonctionnement du capitalisme. Ses successeurs directes reprendront ce terme de « socialisme scientifique » et l’approfondiront en ayant toujours à cœur de faire « l’analyse concrète d’une situation concrète » (Lénine). On verra Lénine faire l’analyse scientifiquement de l’impérialisme, Rosa Luxemburg des problèmes du réformisme bersteinien, de même que des personnes comme Ho Chi Minh et Ernesto Guevara écrire des textes théoriques pour les militants.

L’éducation était un moyen important pour les socialistes/communistes afin d’élever la conscience de classe du prolétariat, partant du principe que sans moyen de réflexion aucune conscience de classe n’est possible[1]. En 1918, l’URSS lançait un programme d’alphabétisation de la population entre huit et cinquante ans[2], dans un pays particulièrement arriéré. Et le programme fut mené à terme avec l’aide de toutes les bonnes volontés. Lénine disait dans Les tâches des unions de la jeunesse, 2 octobre 1920, que l’école « doit donner à la jeunesse les bases de la connaissance » pour en faire des « hommes cultivés ». Les gros retards de l’URSS seront rattrapés en 20 ans, notamment grâce à celle qui s’occupa de l’organisation du système éducatif soviétique, c’est-à-dire Nadejda Kroupskaïa. Cuba a pris des mesures dans les années 60 pour alphabétiser sa population[3], ce qui la fait devenir le pays d’Amérique latine où l’analphabétisme a disparu. L’Île a aussi mise en place le programme « Eduque ton enfant »[4], à travers l’Institut Central des Sciences Pédagogiques, à destination des familles vivants dans les campagnes ou dans les montagnes n’ayant que peu accès aux Cercles infantiles[5] afin de les préparer à la vie en société, à l’intégration scolaire et aux mesures d’hygiènes. 70% des enfants en âge périscolaire participent à ce programme. L’UNICEF déclare d’ailleurs Cuba « paradis de l’enfance » et champion du monde de la protection des droits des enfants.

Ce besoin d’éducation se ressent dans les films réalisés en URSS. Lors de la Révolution d’Octobre une grande partie de la population de la Russie impériale était des paysans illettrés. Le but du cinéma ici était d’abord de diffuser les thèses marxistes et ce que mettait en place comme politique le gouvernement bolchévique. Le cinéma avait une première vocation didactique et les films éducatifs étaient la norme, notamment contre l’alcoolisme ou des documentaires sur certaines parties de l’URSS nécessitant des améliorations techniques, comme du Sel pour Svania de Kalatozov. C’est aussi l’objectif poursuivi par Eisenstein dans ses premières œuvres et dont nous avions déjà parlé ici[6]. Précisément, dans le cas de l’immense réalisateur, il s’agissait d’éduquer politiquement le peuple pour construire le pouvoir des travailleurs. Le septième art a vocation à montrer en acte la solidarité de classe de tous les travailleurs contre l’exploitation, ainsi que les innovations techniques par lesquels on construira le socialisme. La question : est-ce que le cinéma d’horreur peut avoir ce but éducatif ? Destiné à effrayer, provoquer la panique, éventuellement à questionner, jouer sur la peur de l’inconnu, il n’a tout simplement pas les mêmes objectifs que la politique poursuivie par les premiers cinéastes révolutionnaires. Est-ce que la représentation des pauvres dans Massacre à la tronçonneuse peut aider à rapprocher les peuples en Amérique ? Si on pose comme ça la question, bien sûr que non, mais en faisant fi de l’objectif du film, ce qui est complètement sans intérêt.

En littérature, le philosophe et théoricien de l’art hongrois Georg Lukacs défendait un réalisme traditionnel. Les romans de Sir Walter Scott et d’Honoré de Balzac avaient selon lui un caractère révolutionnaire, car leur politique nostalgique pré-aristocratique permettait des positions précises et critiques de la bourgeoisie montante. Même s’il reconnait que les écrivains de cette tradition réaliste ont abandonnés cette position avec la révolution de 1848, où il n’était plus possible de critiquer durement la bourgeoisie face au prolétariat montant.

Le mouvement ouvrier s’oppose donc à la superstition, qui peut se définir comme un système de croyances plus ou moins farfelues basées sur des éléments magiques ou inexpliqués. Elle peut faire croire tout et n’importe quoi et asservit les hommes qui sont censés la prendre pour véridique au lieu de se faire une opinion en se basant sur la réalité des faits. Or ce qui est reproché au fantastique, c’est de jouer sur la superstition et la croyance aveugle, ce qui avait d’ailleurs été retorqué à Walpole à son époque. La superstition est aussi très souvent associée à la coutume et a des anciennes civilisations barbares, dont il faut se défaire. Nous avions cité lors d’un article précédent L’exorciste comme œuvre horrifique ayant servi à la diffusion d’un discours religieux orthodoxe, afin de remettre sur le devant de la scène la présence du démon comme réalité. Ceci pour montrer que la superstition, associé à une certaine forme d’organisation désuète de la société, peut servir une politique réactionnaire.

Le fantastique créé une distance avec le monde pour mieux lui échapper, a contrario de la distanciation chez Brecht, dramaturge communiste, dont j’avais déjà parlé dans un article sur le film Les bourreaux meurent aussi, qui permet selon lui de faire réfléchir le spectateur en lui montrant certains éléments de société sous un autre angle, de le sortir de sa passivité et de transformer le monde. Tandis que le fantastique offre une échappatoire au monde, l’art socialiste vise plutôt à ramener sur terre afin de faire travailler la majorité à un changement de société dans le but de créer la fameuse société communiste. A titre d’anecdote, et toujours avec Brecht, l’une de ses pièces, La décision, qui voyait quatre militants jeunes communistes obligés d’exécuter l’un de leur jeune camarade dont les positions gauchistes risqueraient de mettre à mal leur mission, ne devait pas être joué en public, mais de faire jouer le rôle du jeune exécuté par un ouvrier (tous les autres étant des acteurs professionnels) afin qu’il comprenne ses erreurs et puisse s’élever par l’entremise d’un autre personnage.

J’avais lu récemment un article sur le blog Bon chic Bon genre intitulé « [ZOOM] Pourquoi tous les films sont politiques » (décembre 2021) à propos du concept de « Tout est politique », très utilisé par les critiques de gauche du cinéma sur internet. Ce qui m’a frappé dans celui-ci, dont l’auteure adopte un point-de-vue résolument post-moderne, c’est que l’identification devient le but ultime d’un film. C’est-à-dire que le spectateur cherche avant tout en allant voir une œuvre à s’identifier avec les personnages, à ressentir ce qu’ils ressentent. C’est très réducteur. Certes l’identification peut jouer un rôle positif, si par exemple le but c’est de montrer un personnage réalisant certaines bonnes actions et qu’elles nous poussent à faire de même, ou bien en nous faisant épouser un point-de-vue inhabituel, mais malgré tout son aspect purgateur des passions endort le spectateur qui souhaite juste passer un bon moment. Celui-ci ne réfléchit pas forcément sur ce qu’il voit et la portée de certains messages peut lui échapper. C’est selon moi le cas de la saga Matrix dans une certaine mesure, dont la trop grande identification avec les personnages cache le message véhiculé par la saga. C’est d’ailleurs sans doute pour cela qu’il y a davantage de distanciation et un regard ironique dans le dernier volet, Matrix résurrections, qui prend un plaisir intelligent à l’autoréférence et à jouer avec les attentes des spectateurs.  Le vidéaste de la chaîne La Chimérathèque prenait l’exemple des films de super-héros pour s’attaquer à l’aspect soi-disant progressiste de certaines œuvres à l’instar de Black Panther, mais on pourrait dire de même de l’horreur, qui nous fait entrer dans la peau d’un personnage et nous procure un frisson souhaité par le producteur, dont il sait que ses profits en dépendent.

L’idée ce serait simplement de s’identifier avec le personnage pour révolutionner le cinéma. Soit mettre en personnage principal une personne issue d’une minorité pour tout changer. Selon mon point-de-vue, en restant à ce stade, cela revient à un changement cosmétique, soit pas de changement du tout. Si ce n’est un besoin de provoquer une division de la société dans le but d’assurer un profit, et à quelques exceptions près, le capitalisme et l’exploitation, et donc in fine l’oppression, peuvent passer outre le fait que telle personne soit noire, femme, gay ou que sais-je, si cela sert ses intérêts (Thatcher, Obama[7], Christine Lagarde sont de parfaits exemples). Les films à identification, malgré certains vernis progressistes, permettent surtout de maintenir une domination globale, celle du capitalisme, au détriment de toute autre perspective, même si pour se donner bonne conscience il peut regretter certains travers de la société. Si on veut un cinéma progressiste, on ne peut accepter la généralisation de ce point-de-vue. Je pense, mais c’est seulement mon avis, que c’est pour cela que dans l’horreur on entend facilement des personnes se concentrer sur l’aspect vraiment horrifique d’un film et pas sur les aspects sociétaux qu’ils peuvent impliquer, parce qu’en réalité via l’identification le point de focal n’est pas sur ces éléments mais sur la souffrance des personnages. Cependant, je ne dis pas qu’il ne peut pas y avoir des tentatives de distanciation dans le cinéma d’horreur, voire des éléments sociaux explicites dénoncés, quitte à utiliser une identification retournée de telle manière qu’elle amène effectivement une certaine réflexion. Ce sera ce qui sera au centre d’un autre article.

Dans l’article précédemment cité, il y est dit aussi que le cinéma d’horreur serait le vilain petit canard du cinéma, et qu’à tout prendre les images politiques sortent plus facilement dans ce cadre-là. Les images politiques étant ici une diversité d’oppression. Le problème c’est que l’auteure de l’article ne voit pas les rapports de production : elle considère le cinéma d’horreur comme le paria parce que la critique officielle ne l’aime pas (ce qui en plus n’est plus vraiment le cas). Elle prend la critique auteurisante du cinéma pour la production, alors que le cinéma d’horreur se vend. Les producteurs ont moins un désir de rébellion qu’un désir d’écouler leurs marchandises à un public nombreux. Le théoricien de l’art Adolfo Sanchez Vasquez dans Les idées esthétiques de Marx exprime que le cinéma est l’un des arts subissant le plus l’hostilité du capitalisme (c’est-à-dire dans la libre création permise à l’artiste), car la quantité de capital investit et la consommation massive permet mieux la création de profits. C’est bien normal : le cinéma est un art couteux à réaliser, donc la pression est plus forte pour le rentabiliser. Le cinéma aux Etats-Unis ou dans d’autres pays capitalistes devient une industrie comme une autre, où les bénéfices deviennent plus importants que la qualité du film. Qui contredira cet état de fait lorsqu’on voit certains déboires de grands et petits réalisateurs pour imposer leurs vues sur un film face à leurs producteurs ? Qui niera que le cinéma d’exploitation cherchait bien plus l’appât du gain qu’un travail soigné ?

Ainsi Roger Corman a permis de produire un grand nombre de films de genre mais il incarne moins le « rebelle » du cinéma qu’un businessman vendant un produit différent sur le marché, mais qui trouve bien des distributeurs et des revendeurs. Cette vision de l’art de masse et populaire contre le cinéma d’auteur est souvent véhiculée en France à cause du dégout pour un certain type de films français très intimistes et centrés, avouons-le, sur la vie de leurs auteurs, et vu qu’il s’agit très souvent de cette classe sociale, donc sur les mœurs de la bourgeoisie. De temps à autre, cette même bourgeoisie cherche, pour se donner bonne conscience, à montrer la larme à l’œil la condition des pauvres, sans perspective de changement bien entendu. Ce qu’un critique du journal Frustration appelle le « bourgeois gaze »[8]. En réaction, on a tendance à identifier ce cinéma d’auteur comme bourgeois et à considérer comme populaire voire révolutionnaire le cinéma de genre, alors que dans un mode de production capitaliste, il s’agit simplement d’un même système de production mais qui va réaliser deux marchandises différentes pour un public différent, un peu comme dans les drive-in des années 30 : le cinéma de divertissement est destiné à plaire à la masse[9] car facilement accessible et produit dans le but d’être diffusé, même s’il peut véhiculer des idées franchement contestables, et le cinéma d’auteur va parler à la bourgeoisie qui va permettre à ces derniers de s’identifier à ces protagonistes. Bien entendu, ce que j’exprime ici ne fait pas dans la nuance et on peut voir dans les deux cas des œuvres qui sortent du cadre et qui apportent un plus. Mais je veux insister qu’il ne faille pas se leurrer et encenser le cinéma de genre en faisant de lui l’exacte opposé d’une culture bourgeoise.

Dernièrement, au cinéma se développe ce que j’appellerais une esthétique du sentiment et de la sensation contre l’intellectualité. J’entends par là que de plus en plus de films, destinés au grand public et acclamés par la critique, se vident de toute substance. Le fonds, par exemple les luttes sociales, l’exploitation guerrière du monde, les hiérarchies sociales injustes, disparaissent, sauf dans quelques dénonciations conformistes à base de bonne conscience écologiste et de féminisme opportuniste sans grand danger[10]. A la place, le paquet est mis sur la beauté de l’image, mais aussi sur des références. De plus en plus de critiques s’amusent d’ailleurs à décortiquer les références cinématographiques que telle ou telle œuvre va placer dans ses images. Un réalisateur comme Nicolas Winding Refn en est le parfait exemple avec ses films Drive (2011), Only God forgives (2013) et The Neon Demon (2016). Les références et l’esthétique y sont poussées à fond pour rendre une expérience purement artistique au spectateur, mais sans réflexion sur l’humanité ou contestation de l’ordre établi. Drive, de loin le meilleur des trois, multiplie les références à des films comme Halloween ou à des courts métrages moins connus comme Lucifer rising de Kenneth Anger. Mais en-dehors de la pure expérience de cinéma offerte par la musique et l’image soignée du long-métrage, le scénario est d’une platitude et n’apporte pas grand-chose. De même avec The Neon Demon, un film d’horreur sans horreur selon son réalisateur, se déroulant dans le milieu de la mode, dont le seul message est une plate dénonciation d’un monde modulé par les apparences… tout en l’exploitant sans recule critique dans le film.

Au même moment, plusieurs courants obscurantistes, qui demandent à redécouvrir le monde via les sensations au détriment de la raison, font leur percée. On peut penser à toutes les dérives sectaires du type Anthroposophes, mais aussi à la montée de l’extrême-droite néonazie en Europe (pour rappel le nazisme a une tradition de croyance dans l’occultisme). Ce n’est sans doute pas anodin alors que nous sommes dans une phase impérialiste et exterministe, c’est-à-dire où le capital dans sa course au profit ne se soucie plus de l’environnement, des cultures, etc. Maintenant l’esthétique est pure et libre des grands idéaux politiques. A vrai dire il reste une possibilité : la rébellion, mais celle-ci est sans lendemain, sans structuration, sans réflexion politique. Elle n’est destinée qu’à tout casser sans construire, ce qui signifie sa perte et donc toujours le maintien in fine de l’ordre présent. Ainsi on comprend aisément le succès du film Joker (2019) auprès du public, car il reflète l’impasse dans lequel se trouve la société occidentale capitaliste sans moyen durable de changer les choses.


[1] Ni reconstruction des pays en question, ravagés par la guerre et par un système féodal pourrissant.

[2] « Ils ont osé ! » L’expérience de l’école soviétique des années 1920 », 21/06/2017, Samuel Joshua, revue Contretemps.

[3] Nous en voyons un exemple dans le dernier segment du film Lucia (1968) d’Humberto Solas.

[4] « L’éducation socialiste cubaine, un exemple pour le monde » par Simon, blog JRCF, 05/10/2018.

[5] Institutions pédagogiques et d’enseignement, mis en place à partir de 1961 et accueillant des enfants en âge périscolaire, de 45 jours à 6 ans.

[6] « La conquête du pouvoir par le prolétariat dans les trois premiers films d’Eisenstein », Le cuirassé d’octobre, 23/08/2021.

[7] Dans son cas, il est responsable de beaucoup plus de meurtres extraterritoriaux que son prédécesseur républicain George W. Bush.

[8] « Le bourgeois gaze » : au cinéma, le monde est perçu à travers les lunettes déformantes de la bourgeoisie », 18/06/2021.

[9] Le théoricien de l’art Adolfo Sanchez Vazquez surnomme cela l’art de masse, afin de le différencier de l’art populaire, réellement réalisé pour exprimer les idées et les désirs du peuple. L’art de masse désigne l’art dont les produits sont là pour satisfaire des hommes aliénés par le capitalisme. Sa puissance est assurée par la possibilité de trouver un public et des moyens de diffusion efficace. Les grands problèmes humains et sociaux sont laissés de côté au profit d’une satisfaction d’un désir légitime de divertissement, tout en faisant attention à ne pas s’attaquer trop durement au système en place. C’est un « art produit précisément à la mesure de l’homme creux et dépersonnalisé auquel il est destiné. S’il y a une pleine correspondance entre production et consommation, entre objet et sujet ou entre œuvre et public, nous trouvons cette dernière dans la relation entre l’art de masse et les goûts et besoins de ceux qui en jouissent ou des consommateurs. » Par contre, Vazquez s’oppose à la théorie que si ce cinéma perdure c’est à cause du public. Pour lui, le problème vient en amont, dans le fait que les capitalistes produisent délibérément un art de piètre qualité afin de vendre et se cachent derrière une pseudo-popularité de leurs produits.

[10] J’ajoute une note pour expliquer ce que j’entends par là. Je pense en particulier aux grandes productions américaines. Il est de plus en plus régulier lorsque le réalisateur/réalisatrice souhaite donner faussement de la profondeur à son long-métrage, qu’il se tourne vers le panel des causes consensuelles pour l’ajouter à son film. Le thème de l’écologie, bien médiatisé dans les pays occidentaux, est tout trouvé. Mais attention, comment le traiter ? Serait-ce de dénoncer le système économique qui exploite la planète avec son marché mondial non régulé ? Serait-ce de dénoncer les liens de classes entre les hommes politiques de nos pays et les principales multinationales polluantes ? Non, à la place nous aurons la complainte de « l’Humanité est coupable », car ce serait cette dernière, dans son essence, qui causerait toute ces souffrances pour… pour… nous ne savons pas. Sans doute par plaisir ? A la place d’une réflexion pour sortir de la crise et dénoncer le mode de production responsable de tout cela, on préfère faire une leçon de morale. C’est le cas du film Tenet de Christopher Nolan.

Pour ce qui est du féminisme, nous pouvons en dire la même chose. Dans l’article sur Le village du pêché, nous avions parlé de la distinction « féminisme bourgeois »/ « féminisme prolétarien ». Dans le cinéma des grosses productions nous nous retrouvons avec des représentations qui se veulent ambitieuses des femmes. En dénonçant l’inégalité salariale entre hommes et femmes ? En dénonçant le fait que les femmes sont soumises souvent aux travaux les plus précaires ? Encore une fois, si ces thèmes ne sont pas inexistants, ils ne sont pas la majorité du genre. Dans la plupart des cas, il faudra juste montrer quelques propos machistes, des hommes entre eux se montrant volontiers virilistes, lorsqu’ils ne commettent pas des actes criminels envers leurs comparses féminines, et face à eux des femmes, souvent des étudiantes ou des personnes qui semblent plutôt de familles aisées, qui les ridiculisent par leur charisme et leur intelligence. Il serait de mauvaise foi de dire que ces œuvres n’attaquent pas une certaine surreprésentation masculine, ce qui n’est franchement pas un mal loin de là, mais il faut savoir au profit de qui. Je l’ai un peu amorcé, mais il semble que ce soit, au même titre que les autres œuvres, des femmes de la petite-bourgeoisie dont on nous narre les exploits. Cela attaque la surreprésentation masculine, mais tout simplement parce que dans une époque où dans les pays occidentaux la plupart des lois restreignant le pouvoir des femmes ont été supprimées, il est normal que celle-ci disparaisse avec le temps, et c’est un bienfait. Cependant, on gomme totalement la partie la plus précaire des femmes. Osons le dire : femme bourgeoise partout, femme prolétaire nulle part. Et même après cela, quelles sont les raisons qui poussent les hommes à s’en prendre aux femmes ? Visiblement, leur essence les rendant mauvais par nature. Ainsi encore une fois le système économique est gommé au profit d’une leçon de morale.

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