Entretien avec Clémentine de la chaîne Cinéma et politique

Nous remercions chaleureusement Clémentine de la chaîne Cinéma et politique pour cet entretien accordé au blog Le cuirassé d’octobre. Nous vous invitons chaudement à aller voir sa chaîne, dont vous trouverez trois vidéos en bas de l’article.


Tout d’abord, merci de nous accorder cet entretien. Pouvez-vous vous présenter rapidement ?
Je m’appelle Clémentine et en décembre 2019, j’ai créé la chaîne YouTube Cinéma et politique sur laquelle j’appréhende les films comme des objets politiques.
Comment choisissez-vous les films que vous allez traiter ?
Déjà, je choisis des films dits « de patrimoine » car pour appréhender les films comme je le fais – c’est à dire en m’appuyant sur des travaux de recherche – il est nécessaire d’avoir un recul de plusieurs années.
Ensuite, mon choix va dépendre de plusieurs facteurs : de mes envies du moment, de mon désir de mettre un film en rapport avec notre présent (par exemple, dans un contexte de visibilisation des violences policières, j’avais envie de parler du film d’Elio Petri, Enquête sur un Citoyen au-dessus de tout soupçon), d’une volonté de parler d’une époque spécifique à travers un film ou une production (c’est notamment pour cette raison que j’ai fait la vidéo sur les héros des années 80 : pour évoquer les débuts et le triomphe du néolibéralisme dans lequel nous continuons de vivre, ou de survivre), mais je vais aussi prendre en compte le succès potentiel que peut susciter le choix d’un film, car les vidéos sur les films connus sont plus vues.
Cinéma et politique explore de manière didactique le lien entre les œuvres filmiques et certaines questions politiques, travail encore marginal dans les analyses cinématographiques sur YouTube.
Pensez-vous que par l’intermédiaire de votre chaîne sur le cinéma vous pouvez entraîner l’intérêt pour des questions politiques ?

J’ai l’impression – mais peut-être que je me trompe – que cette approche a tendance à être dévaluée, comme si mêler art et politique, c’était « salir » l’art, car elle a notamment tendance à aller à l’encontre de l’approche auteuriste qui reste très axée sur la forme. En mettant en lumière les conditions de production et de réception des films, cette approche rappelle que les films sont des produits d’époque. Elle a tendance donc à désacraliser les « auteurs ».
Je pense aussi, qu’à l’heure actuelle où des perroquets parlent sans cesse sur les ondes et à la télé de « cancel culture », cette approche crée de la défiance chez certaines personnes qui la voient comme une approche moralisatrice, alors que ce n’est pas du tout mon objectif. Je me fiche que des personnes veuillent voir Naissance d’une Nation, par exemple, mais il me semble qu’il est important de le voir en connaissance de cause…
Je ne pense pas que ma chaîne puisse avoir un tel impact, mais peut-être qu’elle donnera envie à des étudiants ou étudiantes en cinéma d’adopter une approche similaire des films, ou à d’autres personnes, de s’intéresser à ces questions.
Vous avez consacré une vidéo entière sur le cinéaste soviétique Sergei Eisenstein. Prévoyez-vous d’autres vidéos spécialement sur des réalisateurs ?
Je ne sais pas trop car la vidéo sur Eisenstein est plus axée sur un questionnement (« le cinéma peut-il servir la révolution ? ») plutôt qu’à l’ensemble de sa carrière. Après oui, dans l’absolu, j’aimerais bien consacrer des vidéos à des cinéastes, mais ce qui m’en empêche est plus le manque de moyens financiers. J’essaye en fait de sortir une vidéo tous les deux mois et faire une telle vidéo prendrait beaucoup de temps (plus qu’une vidéo autour d’un film) et pour le moment, je ne peux pas me le permettre. Mais peut-être plus tard ! En tout cas, si cela devait arriver, je pense que je ferais une vidéo sur Luchino Visconti.
Néanmoins, le prochain sujet à priori est décidé et il se pourrait qu’il puisse tourner autour d’un réalisateur… mais parce qu’il a fait assez peu de films (ceci explique cela). Mais ce n’est pas encore sûr à 100% !
Votre dernière vidéo portait sur le film Naissance d’une nation de D.W. Griffith. Celle-ci semble avoir fait grand bruit sur les réseaux et a eu le droit a une recension dans un journal. Au vu du sujet brûlant encore aujourd’hui, comment votre analyse a-t-elle été
perçue par les différentes sensibilités politiques des personnes qui suivent votre travail ?

Je ne connais pas les sensibilités politiques de toutes les personnes qui suivent mon travail, mais oui, celles qui sont sensibilisées à la question du racisme ont été plus réceptives à la vidéo. Quelques rares critiques stupides ont émané de personnes qui ne l’avaient même pas vue suite à l’article de Télérama, et qui au vu de leur discours, penchaient clairement à droite…
Mais beaucoup de personnes à droite n’aiment pas du tout qu’on resitue politiquement certains films, car politiser, par exemple, un film proche des idées de droite, c’est rappeler qu’ils montrent une vision très politique du monde, or la droite aime donner l’impression que ses idées dans le fond ne font que relever du « bon sens ».
Dans le cadre de l’Hexagone, avez-vous un avis concernant le cinéma français ? Sur le cinéma dit militant aujourd’hui ?
Je n’ai pas d’avis particulier sur le cinéma produit en France car il est extrêmement riche et diversifié, et que, dans le fond, je ne le connais pas si bien, même si j’ai, évidemment, quelques cinéastes auxquels je suis très attachée. Bref, je me vois mal balancer quelques formules à son encontre, car ce serait forcément réducteur. J’ai beaucoup de choses que j’ai envie d’explorer ou de mieux connaître, comme par exemple, la période des années
30, le polar des années 70, le cinéma d’Yves Boisset, et bien d’autres choses encore !
En ce qui concerne le cinéma dit militant, j’ai pu voir de temps à autre quelques films intéressants. Mais là encore, je préfère ne pas trop m’avancer. C’est un cinéma peu diffusé, dans quelques salles quand ils connaissent une sortie, ou cantonnés à des festivals, à une diffusion sur Internet ou autres… J’ai donc probablement raté tout un tas de films intéressants !
En guise de conclusion : comment définir une culture populaire selon vous ?
J’ai l’impression qu’on confond un peu la culture populaire au sens d’une culture consommée, appréciée par tout le monde, qui pénètre à peu près toutes les couches sociales, mais la culture populaire n’est-elle pas d’abord la culture des classes populaires ?

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