L’auteur de ce blog, conscient du danger récent manifesté par la guerre en Ukraine d’une destruction de l’humanité par l’usage de l’arme nucléaire, ne peut pas rester les bras croisés. Peu importe ce que nous pensons du conflit, de l’Ukraine et de la Russie, appeler les français à participer plus largemennt à un conflit armé, refuser une issue négociée à la guerre par un dialogue entre les bélligérants, ce serait tout simplement catastrophique pour notre avenir commun. C’est pour cela que ce blog accueillera les contributions écrites des personnes réellement partisanes de la paix. Nous publions aujourd’hui une participation de Gilda Landini-Guibert, agrégée d’histoire, auteur du « Fil rouge ».

Lorsque Aristide Landini et ses deux fils Roger et Léon s’engagèrent dès 1942 dans les combats des FTP-MOI (Francs-Tireurs et Partisans de la Main d’Oeuvre Immigrée) en risquant leur vie – que chacun d’eux a bien failli perdre dans les griffes de l’OVRA (la Gestapo italienne) ou dans celle de la Gestapo française et allemande (eh oui il y avait bien des assassins qui se présentaient comme « Gestapo française »), ils le firent en espérant que leur sacrifice et celui de tous ces jeunes camarades morts sous la torture ou les balles allemandes ne seraient pas vain et que le monde d’après serait un monde de paix, un monde de liberté et de justice sociale, dans une France démocratique, indépendante et souveraine.
Alors que Léon, qui n’avait que 17 ans en 1942, va fêter ce 9 avril 2022 ses 96 printemps et qu’il sait qu’il va bientôt monter dans le dernier train, il voit revenir le spectre de la guerre plus effroyable encore. Son dernier regret sera de ne plus avoir la force de défendre ses sublimes idéaux pour lesquels il n’avait pas hésité à ne jamais avoir 20 ans.
Il sait que la France pour laquelle il s’est battu est en voie de disparition, diluée dans une Europe de plus en plus fascisante dans laquelle la souveraineté et l’indépendance sont déjà devenues obsolètes. Il sait que l’union sacrée à laquelle nous appelle nos gouvernants est le même leurre qu’à l’été 14 ou l’été 39. Il se souvient qu’en 1938 le Parti communiste français fut le seul à appeler à défendre la République Tchécoslovaque et il sait que les cris d’orfraie des sociaux-démocrates européens, appelant à soutenir une Ukraine dont ils minimisent l’influence nazie lorsqu’ils ne la supportent pas ouvertement, n’ont rien à voir avec le soutien à un Etat démocratique.
Il entend de nouveau les mêmes mots de haine, ceux qui étaient vomis par ces bouches indécentes des fascistes italiens, français, allemands, espagnols, hurlés par leurs descendants sans que cela ne semble heurter nos démocrates qui font tout pour faire croire qu’ils n’ont guère d’influence. Les mêmes saluts, main tendue, unissent des Allemands, des Ukrainiens, des Français, des Grecs, des Polonais, des Bulgares (au sein même de l’hémicycle de l’Union européenne), dans une Europe que n’aurait pas reniée Pierre Laval. Les mêmes défilés aux flambeaux illuminent sinistrement les sombres cieux ukrainiens, bulgares ou grecs. Les mêmes atrocités sont commises depuis des années dans le plus grand silence dans ces contrées éloignées de l’est de l’Ukraine, le Donbass, sans que personne à l’ouest ne s’en soit jamais offusqué et soudain, c’est le déversement hystérique de propagande, un bourrage de crâne intensif semblable à ceux de 1914 ou de 1939 déversé à chaque minute de chaque jour sur l’ensemble des médias. Les mêmes journalistes, intellectuels et artistes « flagorneurs distribuent, comme le disait Robespierre, leur plume vénale à cette odieuse entreprise ».
Mais comme en 1914, comme en 1940, il y a ceux qui mettent en doute ce ramassis de mensonges officiels légitimant la guerre et divinisant la tyrannie, ceux qui refusent, ceux qui se révoltent, ceux qui résistent, ceux qui savent que la guerre n’est bonne que pour les « saigneurs de la guerre », industriels, politiques ou militaires. Ils savent qu’elle n’est bonne « que pour les ministres, dont elle couvre les opérations d’un voile plus épais et presque sacré ; qu’elle n’est bonne que pour le pouvoir exécutif dont elle augmente l’autorité, la popularité, l’ascendant » (Robespierre).
Ils savent que même s’ils n’ont que leurs poings levés et leurs poitrines nues à opposer aux puissants de la terre, leurs cris peuvent monter jusqu’au ciel et faire chuter enfin tous ces murs qui empêchent la grande fraternité humaine.